La rue qui nous sépare

Publié le par Sophie

La rue qui nous sépare

Célia Samba

Hachette, 2021

 

Noémia, 19 ans, étudiante, tente de se reconstruire à Paris aux côtés de son cousin et de sa cousine avec qui elle vit. Tristan, 21 ans, est SDF depuis plusieurs mois et n'a guère d'espoir pour un avenir meilleur. Tous les jours, leur chemin se croise et il suffira d'une crêpe pour relier leurs deux mondes.

Quand Noémia décide d'offrir cette crêpe à Tristan, elle ne s'attend pas à découvrir un garçon sympathique et intelligent. Peu à peu, au fil des conversations, ses préjugés tombent et elle réalise à quel point ils peuvent être nombreux. Mais dans un monde où tous les séparent, est-ce que les sentiments qui naissent entre eux seront suffisants pour garder le lien ?

 

 

J'étais très intriguée par le thème de ce roman. Parler des sans-abris est très rare en littérature. C'est un sujet qu'on évite trop facilement dans la rue comme dans les histoires et je salue grandement Célia Samba de s'y être plonger, pour son premier roman en plus. J'avais lu des avis sur ce livre et je savais clairement que je m'engageais dans une romance mais j'avais très envie de voir comment celle-ci allait être traitée étant donné le sujet complexe.

J'ai beaucoup aimé la façon dont l'autrice a choisi de raconter cette histoire. On alterne entre les points de vue de Noémia et de Tristan et on constate très vite leur faible confiance en eux. Pour des raisons qui leur sont propres, ils doutent de l'intérêt de l'autre pour leur personne ce qui donne lieu à de nombreux quiproquos et à de fausses interprétations. Ces scènes-là sont intéressantes car elles parleront à beaucoup de personnes. Elles montrent tellement bien que la communication est le meilleur moyen de se comprendre, faire des suppositions sur ce que pense l'autre est souvent source d'erreur. Ce que j'ai aussi beaucoup aimé, ce sont les nombreuses interrogations de Noémia face à la situation de Tristan. Elle sent naître des sentiments pour lui mais comment envisager quoi que ce soit alors qu'elle ignore tout de sa vie et qu'il vit dans la rue. C'est évoqué sans aucun tabou et Célia Samba met des mots sur ce qui traverse l'esprit de nombres d'entre nous quand on croise quelqu'un qui fait la manche. Ces obstacles sont contrebalancés par la générosité et la sensibilité de la jeune femme qui ne pourra pas empêcher un rapprochement avec Tristan chez qui elle perçoit de bonnes choses.

Les personnalités de Noémia et de Tristan sont bien exploitées et il n'est pas question ici de livrer une histoire d'amour à l'eau de rose. La souffrance est présente pour chacun d'eux et ce sont avant tout deux êtres qui ont besoin de reprendre confiance et de se reconstruire. C'est probablement ce qui les unit le plus. Même si Noémia est fortement soutenue par son cousin et sa cousine, elle a un cheminement à faire seule et sa rencontre avec Tristan va être déclencheuse de certaines choses.

Là où Célia Samba est très forte, c'est qu'elle a su surprendre son lecteur à un moment où on est familiarisé avec l'histoire de Tristan et Noémia. Je ne veux pas trop vous en dire là-dessus pour ne rien divulgâcher mais le choix fait par l'autrice est étonnant car il n'en est pas vraiment un tout en offrant une alternative au lecteur. Ce n'est pas très clair tout ça mais disons que ce dénouement permettra aux lecteurs de se positionner, de se questionner sur son comportement face à un SDF, de montrer que l'ignorance n'est pas sans conséquence.

 

Ce premier roman de Célia Samba est une belle réussite pour moi. Elle aborde un sujet difficile sans tabou tout en proposant une histoire d'amour entre deux personnes brisées. On a le cœur qui navigue entre beaucoup d'émotions et on ne ressort pas indifférent de cette lecture. C'est un livre qui ouvre les yeux sur une réalité qu'on essaye trop souvent d'ignorer. D'ailleurs 1€ est reversé à La cloche pour l'achat d'un livre et on retrouve à la fin de l'ouvrage des informations et des conseils de cette association qui lutte contre l'exclusion et vise à créer du lien social.

Je terminerais sur une citation de l'Abbé Pierre, elle introduit le roman et je me dis que si chaque lecteur s'en inspire à l'avenir alors c'est déjà un joli pas en avant.

Un sourire coûte moins cher que l'électricité, mais donne autant de lumière.

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