Un moment avec Claire-Lise Marguier
Au début de l'été, j'ai découvert le premier (et unique à ce jour) roman de Claire-Lise Marguier : Le faire ou mourir.
Cette découverte, je la dois au blog collectif A l'ombre du grand arbre où, quelques blogueuses (dont moi-même) avons réalisé une lecture commune autour de ce roman pour adolescents. Vous pouvez d'ailleurs la retrouver ici.
Ce fut un coup de cœur et j'ai eu envie d'en apprendre un peu plus sur cette jeune auteure. Elle a donc accepté de répondre à cette interview à laquelle j'ai convié mes deux copinautes d'A l'ombre du grand arbre dont les questions sont à la fin.
Bonne lecture à tous...
L’écriture
Pourquoi et comment avez-vous commencé à écrire ?
Je l’ignore. J’écris depuis longtemps parce que c’était comme une continuité à la lecture il me semble. Quelque chose qui venait de moi. Mais ça remonte à trop longtemps pour que j’analyse mes sentiments à ce moment là. J’ai commencé avant l’adolescence, avec des nouvelles et même un « roman » d’aventure, qui copiait le style des séries que je lisais ; la bibliothèque verte ou rose, Fantômette ou Les six compagnons. C’était un passe-temps comme un autre, j’imagine ! Nous écrivions des histoires, ma sœur et moi, assises à la table de la cuisine. Puis ça a pris de l’ampleur parce que je suis plus à l’aise devant les lignes d’un cahier qu'avec mes semblables. J’avais – et j’ai toujours ! - du mal à me lier avec les gens. J’ai écrit du journal intime, des lettres à une amie imaginaire, des poèmes et des petits textes assez courts. Rien de bien original. Être publiée ne m’effleurait même pas, tellement je pensais ça réservé aux érudits. Et puis on me l’avait assez dit au collège, « écrire c’est bien joli, mais ça ne mène pas loin ».
Est-ce que ça a été difficile de trouver un éditeur ? Comment avez-vous procédé ?
Difficile, non. À ma grande stupeur. Une amie, l’Ophélie de la dédicace, m’avait encouragée à l’envoyer à un éditeur. Je n’y croyais pas, pour moi ce style simpliste s’apparentait à du journal intime, et qui peut bien être intéressé par ce genre de lecture ? Néanmoins, j’ai jeté un œil sur internet, les prétendants à la publication étant légion et s’échangeant leurs tuyaux pour arriver à leur fin. Après avoir mis de côté les éditions à compte d’auteurs, j’ai pris la liste des éditeurs français à l’envers et envoyé mon texte à trois d’entre eux. En m’attendant à recevoir une lettre polie de refus, voire rien du tout. Sauf qu'au bout de quinze jours, Sylvie Gracia, du Rouergue, me contactait, l’air vraiment emballé. J’ai eu beaucoup de mal à la croire !
De quoi vous inspirez-vous ?
De la vie autour, des gens, des anecdotes que j’entends, et de la musique que j’écoute, beaucoup. Ça fonctionne assez bien avec la musique ; les paroliers ont une histoire toute faite en tête, ils la transcrivent en texte dans une chanson, vous la réceptionnez, vous l’interprétez à votre sauce et voilà une idée presque neuve. Inspirée mais pas copiée !
Avez-vous un rituel d’écriture ?
En général je me cale devant mon ordinateur, j’ouvre un fichier en cours et je rêvasse pendant une heure ou deux, en jetant un œil sur les réseaux sociaux. Ce qui ne fait pas avancer les choses, mais au moins j’ai une excuse toute faite pour ne rien faire. Après j’écris une ligne par ci, une ligne par là, je recopie ce que j’ai gribouillé dans la semaine au boulot sur mon calepin, entre deux soins (je suis aide-soignante), je fais des corrections... Il ne me faut pas de musique, pas de bruit, un café que je termine froid avec le sucre collé au fond et le chat qui déborde sur l’écran. Mais c’est comme ça que je me fais plaisir, sans contraintes. J’écris mieux le soir tard, quand je suis désinhibée par la fatigue, le reste du temps tout me semble trop terre à terre et dénué d’intérêt. Le lendemain, je raye la moitié de ce que j’ai écrit, mes fautes de français m’horrifient et je trouve tout fade. Quinze jours plus tard, voire trois ans, je me dis que, finalement, y a peut-être quelque chose à en tirer...
Quels sont vos projets en cours ?
Il y en a à peu près 6 ou 7, j’aime bien m’éparpiller et écrire en fonction des envies, changer de style à chaque fois, j’ai des grandes ambitions, mais je ne m’y tiens pas. Un jour j’ai envie d’écrire un texte sur la lumière, comme si elle était une personne. Je prends des notes, mais c’est tout. Le lendemain, je commence un texte où toutes les phrases, sujet-verbe-complément font quatre ou cinq mots, et vont droit au but, sans fioritures, pour me la jouer à la Marguerite Duras. Ce n’est pas interdit d’y croire ! Il y a un texte sur une histoire tordue directement inspirée d’une chanson, les noms des personnages sont même conservés, un garçon qui est amoureux de deux sœurs, ça parlerait de leur relation fusionnelle et de leur rapport au monde. Je vois quelque chose d’intime et puissant, mais je ne sais pas ce que ça donnera. C’est pour me faire plaisir, représenter quelque chose que je visualise moi avec cette chanson et éventuellement le partager, si je le termine un jour. Même si ça reste complètement avorté, je mets des morceaux sur facebook, ça me fait plaisir. Le plaisir avant tout, en somme. Après il y a mon fil rouge, une trilogie plus ou moins fantasy avec des personnages que j’aime tellement que je ne suis pas pressée de les laisser, là aussi je prends mon temps. C’est une sorte de bébé qui grandirait très lentement pour que j’en profite plus longtemps. Pour tout dire, je crois que j’ai un peu peur de la terminer, c’est pour ça sans doute que je suis sur la fin du tome deux depuis deux ans ! Le projet le plus sérieux est un livre qui sortira début 2013 au Rouergue si tout va bien.
La lecture
Quels livres ont marqué votre enfance ? Avez-vous toujours aimé les livres et la lecture ?
Oui, depuis que j’ai su lire. Je me rappelle de mon premier livre comme d’un catalyseur, et c’était Oui-Oui au Pays des Jouets, c’est vous dire s’il y a longtemps ! J’étais au Cours Primaire. Après j’ai enchaîné avec ce qu'il y avait à la maison, les aventures beaucoup, je préférais les livres pour garçons, détectives et compagnie. Puis comme les livres pour ados n’avaient pas la cote aux 90’, je suis passée directement aux « classiques » : Les oiseaux se cachent pour mourir, par exemple, est un livre que j’ai dû lire une fois par an durant toute mon adolescence ! Il y avait Le blé en herbe, qui m’a longtemps fasciné, et La Petite Fadette qui est quasiment mon livre favori et que je continue à lire une fois par an, pour l’immense plaisir qu'il me procure, cette fraîcheur, cette ambiance, un régal. Bizarrement, en grandissant, mon goût pour la lecture s’est émoussé ; j’ai l’impression d’être en perpétuelle recherche du livre qui me tiendra prise dans ses pages, et je suis souvent déçue. Je vois beaucoup de livres dont on parle en bien et qui font les têtes de gondoles, mais qui me laissent sur ma faim. Je ne prends plus le temps de lire vraiment, parce que ça me prends du temps sur l’écriture, et qu'en somme je crois que je préfère l’écriture. Du coup, je lis très peu, moins de deux livres par mois, des fois je ne lis pas du tout pendant deux ou trois mois.
À quoi ressemble votre bibliothèque ?
Ma bibliothèque prend beaucoup de place pour pas grand-chose ; se côtoient les Harry Potter en français et en anglais, pas mal de Harlan Coben, beaucoup de Duras, des Nothomb, des Agatha Christie en veux-tu en voilà, des Boris Vian, des Éric Jourdan, des Jean-Paul Dubois (vu qu’il est un voisin de mes parents et que j’étais fascinée qu’un écrivain vive au milieu des mortels, naïve que j’étais ! mais j’aime beaucoup son travail) de la poésie, de Valérie Rouzeau comme de Verlaine, Rimbaud, Ronsard, Musset, Ruteboeuf, et autres dont les noms m’échappent. Beaucoup de « beaux » livres de photos, période égyptienne, période peinture et Caravagesque, période géographie ou système solaire… Sans oublier les quelques biographies d’Indochine, pauvre fan en perdition que je suis ! Bref, pas vraiment une référence en littérature. Ah si, y a un Proust et des Victor Hugo, mais peut mieux faire !
Si vous deviez conseiller un livre, ce serait :
Choisir un livre, c’est au détriment des autres, c’est dommage, mais je dirais La Petite Fadette. Intemporel et universel. Et puis le style qui n’appartient qu’à Georges Sand !
Les lecteurs
Quelles relations avez-vous avec vos lecteurs ?
Pour l’instant, de très bonnes ! Ce qui changera peut-être en fonction des prochaines publications !
Utilisez-vous internet pour parler de vos livres et/ou communiquer avec vos lecteurs ?
Oui beaucoup, les réseaux sociaux surtout. Et puis le Rouergue me fait passer les mails à mon attention, ce qui permet de bons échanges et des rencontres sympathiques.
Faites-vous des rencontres en écoles, librairies, bibliothèques ?
J’en ai fait quelques unes, mais ça me coûte beaucoup, vu mon tempérament réservé. Mais c’est enrichissant, et plutôt flatteur. Si ce n’est pas trop éloigné de chez moi, je m’y rends avec plaisir.
Votre roman : Le faire ou mourir
L’homosexualité est un thème encore peu abordé en littérature pour enfants et adolescents. Pourquoi l’avoir choisi ?
Je ne l’ai pas choisi. Je n’ai pas écrit sur commande, ni même en pensant le faire lire à quelqu'un. En règle générale, avant que je sois publiée, mon entourage était peu intéressé par ce que j’écrivais, et j’avoue que je n’ai pas insisté pour me faire lire. J’ai donc écrit pour moi, en laissant évoluer les personnages tous seuls, et c’est eux qui ont écrit leur propre histoire. J’étais influencée par l’univers musical d’Indochine, et les textes de Nicola qui peut traiter sans tabou les ambiguïtés sexuelles. Je pense que ce texte est le résultat d’une explosion de références dans ma tête, associé au fait divers qui me l’avait inspiré.
Attention ! Si vous n'avez pas lu le livre, cette partie contient des révélations. [ndlr]
D’où vous est venue cette idée de faire une double fin ?
Ce n’est pas vraiment une idée. C’est plutôt ma propre incapacité à terminer l’histoire d’une façon qui me convienne qui a déterminé cette alternative. J’ai écrit toute l’histoire dans la perspective de la première fin, que j’avais même écrite avant tout le reste. Mais cette fin me coûtait trop, pour ma propre santé mentale il a fallut que je lui trouve un pendant plus heureux, et à la fin je n’ai pas pu choisir entre les deux. J’ai laissé tel quel, et je ne l’imagine plus autrement. C’est ce qui a fait toute la force du texte, je crois.
Vous pouvez reprendre la lecture... [ndlr]
Dorot’ (http://www.livres-de-dorot.fr) : Pourquoi ce titre Le faire ou mourir ?
Il s’est imposé dès que l’éditrice m’a dit « il faut trouver un bon titre ». Moi j’avais gardé, comme je fais toujours, le nom du fichier sur lequel je travaille, et qui est souvent le prénom du personnage central. Mais je n’osais pas le dire, j’avais peur que ça ne convienne pas, pourtant c’est la phrase du texte qui m’a sauté aux yeux, parce qu’elle révélait l’alternative finale et la notion d’urgence à être soi-même avant d’y laisser la peau, dans tous les sens du terme.
Carole (http://blog.3-etoiles.fr) : Vous êtes-vous inspirée de vrais ados pour créer Samy et Damien ?
Pas du tout, ni de mon expérience personnelle (je vois ça des fois, des lecteurs qui croient que c’est du vécu, je démens complètement !) J’ai fantasmé les personnages à ma manière, ils devaient couver en secret quelque part dans un recoin de mon inconscient jusqu’à ce qu’ils trouvent un support suffisant pour éclore. J’ai juste imaginé comment ce serait, comment je me sentirais, si j’étais à la place de Dam, ce que je dirais, ce que j’aurais envie de faire.
Carole : Êtes-vous, vous aussi, fan du groupe Indochine ?
Et oui ! Comment avez-vous deviné ?^^ Fan récente, puisque j’ai réellement découvert le groupe en 2009, à l’occasion de la sortie des Meteors. C’est Indochine qui a déclenché le processus d’écriture, d’où la dédicace à Nicola.
Voilà c'est terminé. Je remercie Claire-Lise Marguier pour le temps qu'elle m'a accordé. J'espère que vous avez pris autant de plaisir que moi à en apprendre un peu plus sur elle et son roman.