Promenons-nous ... dans les livres !
Pour cette nouvelle sélection proposée par Audrey (Les mots dans le plat sur Instagram), on vous propose de jolies promenades au parc. Les jours raccourcissent mais il est encore temps d'en profiter avant que la fin de l'automne ne grignote trop nos journées. Belles balades !
Va jouer avec le petit garçon !
Clémentine Beauvais et Maisie Paradise Shearring
Sarbacane, 2016
L’histoire commence dans un moment tout à fait ordinaire de la vie des enfants (et des parents), la balade au parc. Un petit garçon est tranquillement en train de jouer quand sa maman lui lance cette phrase rituelle : « Va jouer avec le petit garçon ! Celui-là, là-bas, avec sa pelle. Il est tout seul, va dire bonjour ! » Comme si lui, lui disait : « Va jouer avec la dame, là-bas ! Elle s’ennuie avec ses pigeons ! En plus, elle a l’air sympa ! »
Et puis, « si jamais le petit garçon… c’était pas un petit garçon ? »
Dans un raisonnement à l’absurde, le petit garçon nous embarque avec ses mots d’enfant dans un délire complètement loufoque, dans lequel le petit garçon serait en fait un monstre déguisé en petit garçon, qui retiendrait prisonniers sous le bac à sable des enfants à qui on aurait demandé de s’approcher de lui comme sa maman, qui seraient devenus des esclaves du monstre… Il se dit qu’il serait le sauveur de ces enfants, qu’il creuserait un grand trou avec les plus forts d’entre eux, mais qu’ils se tromperaient de sortie de secours, qu’ils atterriraient près de la panthère noire, etc.
C’est vrai après tout, et si ????
Et ce petit garçon a raison ! Quel adulte s’approche instinctivement d’une personne qu’il n’a jamais croisée pour passer un moment ? Pourquoi en tant que parent, nous ne pouvons pas nous empêcher de pousser nos enfants vers les autres ? Pourquoi supportons-nous aussi difficilement la solitude de notre enfant parmi les autres, pourtant si propice à l’ennui, aux rêves, aux voyages imaginaires ?
Un album original aux illustrations colorées, qui pousse à la réflexion… chez les petits comme chez les grands !
Parfois, on a l’impression qu’il ne se passe rien…
Simon Priem et Stéphane Poulin
Sarbacane, 2020
Très joli album-poème sur la pause temps qu’accorde une balade au parc. Un temps de rien du tout, juste pour soi, à regarder la vie s’écouler doucement dans ses petits riens, dans ses moments ordinaires, pour se remplir d’un peu de paix, d’un peu de sérénité, pour être pleinement disponible, ouvert à la rencontre et à l’échange aussi.
Un petit garçon entre dans un parc avec son chien. Au cours de sa balade, il rencontre la personne en charge de l’entretien du parc qui ramasse les feuilles qui recouvrent la marelle, il croise un couple en pleine discussion, une vieille dame qui rentre du marché et donne à manger aux pigeons… Et le temps s’écoule. Il ne se passe rien, et c’est bien. Et puis, tout à coup, son chien se met à courser les pigeons rassemblés autour de la vieille dame, dérange une partie d’échecs improvisée sur le banc, renverse le sac à provisions, et sur son passage, fait naitre les sourires et les mots doux.
« C’est le vide et le plein.
C’est le rien et toutes ces choses dedans.
Pour les voir, il n’y a rien à faire.
Juste s’asseoir avec le temps et regarder. »
Les peintures à l’huile de Stéphane Poulin confèrent aux illustrations une couleur un peu vintage qui complètent à merveille les mots à la fois poétiques et philosophiques de Simon Priem, c’est très apaisant.
Boucles de pierre
Clémentine Beauvais et Max Ducos
Sarbacane, 2021
« Depuis que mon oncle est malade, je traverse le parc tous les jours pour lui rendre visite. On remarque des choses quand on traverse un parc deux fois par jour, tous les jours, pendant un mois, deux mois, puis trois, puis quatre.
Je remarque des gens qui promènent leurs animaux, des bébés qui grandissent, des fleurs qui naissent, des branches qui cassent. Des amoureux qui s’embrassent, et puis moins, et puis non. La grande époque des marrons chauds, et un jour le camion à glaces qui les remplace. Et puis un matin je remarque que les cheveux des statues poussent. Leurs poils aussi. »
Et chaque jour, la jeune fille sert à la fois une part de tarte et les détails du jour, elle s’inquiète pour ces statues qui ne peuvent se recoiffer d’une main. Un jour, elle apprend qu’il existe un coiffeur qui vient régulièrement s’occuper de ses clients d’un autre temps, mais tout le monde s’étonne qu’il ait déserté son poste.
Un jour de juin, l’oncle de la jeune fille a retrouvé la forme et l’énergie, et les statues ont recouvré la vue, juste à temps pour assister aux premières courses de voiliers dans le petit bassin…
Beaucoup de mystère, d’humour aussi dans cet album rafraîchissant ! La beauté de la vie est à portée de tous, et peut transformer la routine du quotidien en une aventure inattendue, encore faut-il être prêt à s’y lancer…
Les illustrations foisonnantes de Max Ducos invitent à une lecture immersive au cœur du jardin public, et piquant la curiosité, donnent envie d’aller regarder les statues d’un peu plus près !
Un album pour le moins original !
Cyril et Pat
Emily Gravett
Kaléidoscope, 2018
Cyril est un écureuil des villes, il vit dans un parc. Il pourrait être pleinement heureux, mais il se sent très seul. Jusqu’au jour où… il rencontre Pat, qu’il prend pour un congénère ! Pat a un pelage tout gris, un ventre blanc, des petites oreilles et un nez tout rose, chouette, un autre écureuil ! Si Pat est en fait un rat, Cyril ne voit en lui qu’un nouvel ami ! Et comme le parc est un merveilleux terrain d’aventures, il ne tarde pas à se lancer à ses côtés dans d’interminables parties de jeux ! Cache-cache dans les gobelets de café abandonnés, courses en skate, pêche du pain lancé aux canards, c’est le bonheur ! Hors de question de prêter une oreille aux mises en garde des habitants du parc ! Rat ou pas rat, Pat est devenu pour lui un véritable ami !!
Le jour où il décide de regarder la vérité en face, son quotidien perd toute sa saveur, et la course pour échapper au chien prend une dramatique tournure. Cyril se retrouve bientôt seul caché dans une rue mal éclairée derrière les poubelles, sous l’œil menaçant du chien qui ne compte pas lâcher l’affaire si facilement…
Un sympathique album, aux illustrations colorées et dynamiques, sur la différence, la tolérance, l’amitié au-delà des préjugés et des qu’en-dira-t-on, les insultes qui glissent sur le cœur quand il a choisi d’aimer.
Le jardin d’Abdul Gasazi
Chris Van Allsburg
D²eux, 2020 (1980, pour la première édition)
Mademoiselle Hester confie son chien Fritz à Alan, le temps d’une visite à sa cousine.
Alors qu’ils se promènent tranquillement, ils passent devant un jardin portant l’écriteau suivant : « LES CHIENS SONT ABSOLUMENT ET FORMELLEMENT INTERDITS DANS CE JARDIN. Abdul Gasazi, magicien à la retraite. »
Mais Fritz n’en fait qu’à sa tête et s’aventure dans le jardin interdit… S’ensuit une course effrénée à travers les sentiers ombragés, la forêt dense, puis après la forêt, la clairière, après la clairière, une imposante propriété. Alan a trébuché et a perdu la trace du chien, alors il n’a pas d’autre choix que de se présenter au redoutable magicien…
L’auteur-illustrateur parvient ici, à travers des gravures en noir et blanc, à créer une ambiance à la fois fascinante et inquiétante, aux frontières du réel, qui semblent tout droit sorties d’un film d’autrefois. La touche fantastique laisse le lecteur confus en refermant ce très bel objet comme un grimoire de magie : mais où est la vérité ?
À découvrir absolument !